Les (re)lectures de Gunthar

Voilà les plus marquantes de mes (re)lectures, depuis quelques jours, disons trois semaines. Certains de ces bouquins me hantent depuis des années, d'autres (marqués d'une astérisque) je viens tout juste de les découvrir.

Les Confessions, Saint Augustin
Le Paradis, Dante >>>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=798
Molloy, Beckett >>>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=779
Ulysses, Joyce >>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=498
Le Contre-ciel, René Daumal
Le Livre, Guyotat * >>>>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=570
Spectres de Marx, Derrida * >>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=606
W ou le souvenir d'enfance, Perec
L'Oeil Ecoute, Claudel *
The Turn of the Screw, Henry James *
Bartleby, Melville >>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=577
Joyce, la ruse de l'écriture, Hélène Cixous *
L'Oeuvre Ouverte, Umberto Eco
Cantos, Ezra Pound
Plupart du Temps, Reverdy >>>>> https://unlivre.forumactif.com/viewtopic.forum?t=793

Bon, c'est à peu près tout, pour le moment. Sinon, je consulte énormément d'ouvrages qu'il serait vain de nommer un par un. Je papillonne de l'un à l'autre, au gré de mes lectures, de mes envies, de mes recherches, etc. Pas mal de poèmes, et quelques beaux articles ou essais.

tiens Molloy, j'en ai beaucoup entendu parler par des proches mais je ne l'ai jamais lu ... Tu peux m'en dire quelques mots ?

Euh.. oui.

C'est, si je ne me trompe pas le premier roman écrit en français par son auteur. Il ouvre la grande trilogie de Beckett, à savoir : Molloy (donc), Malone Meurt, et l'Innommable. Le mieux c'est de lire les trois dans l'ordre. Commencer par Molloy, et puis on finit toujours par revenir à ce livre.

Je ne compte pas te faire un résumé du bouquin, ça aurait assez peu de sens. Dis-toi juste que c'est l'histoire d'un type nommé Molloy qui se promène, à pieds, à vélo, à la ville, à la campagne, il suce des cailloux, renverse un chien, se fait droguer, il a un drôle de rapport à sa maman, il n'a pas vraiment de papa. Bref, toutes les dérives psychanalysantes sont permises dans ce bouquin.

Dans la deuxième partie du bouquin, c'est un certain Moran qui tient le haut du pavé. Et on est soudain à la recherche d'un certain Molloy.

Lis-le, je te garantis que c'est drôle et superbement bien écrit.

tu m'as conquis, dès que j'ai le temps et fini le gros Gil Blas, je m'y mets!

J'attends tes impressions sur le topic Beckett ...

J'oubliais aussi dans ma liste de (re)lectures l'Oedipe Roi de Sophocle, ainsi que l'"Inquiétante étrangeté" de Freud.

Je viens de relire "Le Terrier" de Kafka. C'est bien foutu. Dommage que le récit ne soit pas fini. Quoique cette fin laissée en suspens confère au texte une espèce de non-clôture qui me plaît assez, maintenant que j'y pense. "Le Terrier" me fait penser un peu à du Michaux, dans le style paysage imaginaire inventé de toutes pièces, dans le style métaphore de quelque chose d'indéfinissable. Du très grand Kafka selon moi.

Sinon, je réattaque La jouissance, un concept lacanien de Nestor A. Braunstein. Une belle étude, mais très poussée. Un peu dure à lire, mais il n'y a rien de tel que de savoir un peu se faire chier dans son bain (au sens figuré*). Car je vais prendre un bain (et mon petit teckel beige qui se nomme Marie-Cunégonde mange des croquettes mais quelquefois aussi des bouts de viande) et bouquiner - comme il convient dans un bain.

*Mais y a-t-il au fond un sens propre possible, un possible sens propre au verbe chier? Il me semble en effet qu'on emploie ce verbe plus souvent dans son sens métaphorique. Tiens, tiens. Les métaphores se planquent là où on ne les attend pas. La langue de tous les jours il est vrai fonctionne très souvent comme un poème. Dommage que tant de personnes ne comprennent pas qu'un poème dans la langue de tous les jours est diablement possible. Mais je m'égare.

Remis le nez dans La Science Nouvelle de Giambattista Vico. Texte trapu, truffé de références classiques dont le commun des mortels (dont je fais partie) a bien du mal à se souvenir. L'école, Télérama et la télé nous forment très peu à ce genre de lectures hélas. Je nage dans ce vieux machin poussiéreux. Tout ça c'est la faute à un écrivain à moitié fou.

Une trouvaille récente, que j'ai oublié de faire figurer sur ma liste de lectures récentes : Clément Pansaers. Un poète belge. Parfait parangon de dadaïsme. Ca détend. Textes complètement truculents. Une belle phrase-choc: "Vivre est une maladie imaginaire."




Les élucubrations de Pansaers font l'objet d'une réédition chez Allia, une maison qui fait vraiment du beau boulot. Les bouquins publiés chez eux ne sont pas trop chers (6 euros 10 en général) et sont très agréables.

Le Gunthar se fait combien de livres en moyenne en une semaine ?

Pas plus de 20, je te rassure. En fait, je n'en sais trop rien. Etant donné que j'aime ce qui confine à l'illisible, on ne peut pas dire que je lis tout ce que je lis. En tout cas je relis très souvent. Surtout des poèmes, bien que je ne fasse pas de véritable différence entre un roman bien écrit et un bon poème. Comme disait ce bon vieux Mallarmé, après tout : "Toutes les fois qu'il y a effort au style, il y a versification."

mallarmé ... J'avoue qu'il y a de ses poemes que je cherche toujours à decoder, mais, quand on sait qu'il cherchait principalement que la rime .. comme Valéry je crois, si ma mémoire est bonne

Je ne suis pas persuadé que Mallarmé ne cherchait "que" la rime. Il a assez travaillé à creuser son vers pour ne pas seulement se préoccuper de la rime. Certes, les rimes de Mallarmé et de Valéry sont archi-riches et archi recherchées - c'est la moindre des choses, venant de poètes de leur envergure. (Quand Mallarmé étend ses ailes, ce drôle d'oiseau à une envergure d'environ douze mètres.)

oui, c'est vrai que j'ai assez réduit, je ne le pensais pas vraiment, ils font parti de mes poetes "préférés" si je puis dire ainsi, ils me fascinent

Si ceux-là te fascinent, je ne peux que te conseiller W.B. Yeats. Disponible en français dans de belles traductions de Bonnefoy, en NRF poésie.

ok, merci, je le note ...

tiens, en parlant de la NRF que penses tu de Apollinaire, Carco, Giraudoux, et de Proust ?

Tous dans le même sac tu veux dire, dans le sac de la ènèreffe? Je comprends pas bien ta question...

ben ils ont tous été publié avant 1914 dans la ènèreffe, je me demande si tu les trouves aussi bons qu'un Mallarmé ou qun 'un Valéry, en fonction de tes gouts evidemment

Je comprends mieux. Disons que la première moitié du vingtième siècle est une époque admirable, littérairement parlant.

Apollinaire. On devrait ouvrir un gros topic sur lui. Son oeuvre est primordiale, bien que je lui préfère un Max jacob ou un Pierre Reverdy - eux aussi de très grands, d'Hénormes poètes. Il est l'un de ceux - avec Reverdy - qui a beaucoup contribué à la "libération" du vers (et de l'autre côté t'as les Valéry et les Claudel, les néo-classiques qui s'occupent de scléroser la poètaillerie... bref).

Carco. J'ai lu Jésus la caille il y a belles burettes (sic).
Certains de ses poèmes sont vraiment sympatoches - aux antipodes d'un Claudel ou d'un Valéry - mais je trouve que ça tient pas trop à l'usure du temps. Carco s'est pas mal englué dans un certain Montmartre. Il a un côté image d'épinal je trouve.

Giraudoux aussi, il lui faut un bon gros topic - il y en a déjà un je crois. J'aime sa Antigone, très femme, très belle, très comme j'aime. (Ca me fait penser qu'il faudra un jour que je lise l'Antigone de Cocteau)

Et Proust, disons que je suis trop emberlificoté dans mon charlatan de Joyce pour vraiment donner un avis sur cet auteur. Il faudrait que je le relise pour de vrai, pas petit à petit. J'aime beaucoup son style, bien que je m'ennuie un peu dans sa grande Cathédrale dédiée au temps et à la mémoire. Je l'ai dit quelque part sur Un Livre je crois, Proust manque un peu de gouaille. (Carco en a, par contre)

Drôle de question, concentrée sur la nèreffe. Je les trouve assez inconciliables ces quatre gugus.

Quant à les comparer avec un Mallarmé ou un Valéry... Disons que chacun de ces quatre a ses idiosyncrasies. A la limite, on peut juste mettre dans le même sac (à cadavre*) Valéry et Mallarmé - vu leur proximité poétique et biographique.

*Je suis méchant, là.

Cette petite discussion sur Mallarmé et Valéry m'a donné envie de relire les Lettres sur la poésie de Mallarmé. Elles sont toutes très belles. On les trouve en folio, préfacées par Môssieur Yves Bonnefoy, lequel est très gentil.



Je me souviens avoir lu ces lettres pour la première fois en buvant de la bière sur une péniche, un jour un peu crade et pisseux. C'était au printemps. Il y avait une nénette qui se voulait artiste et riait fort, dévoilant d'héééé-normes dents blanches et chevalesques. On passait de la musique dite branchée. Une espèce de jazz vaguement recherché, assez agaçant. Deux types causaient géopolitique à la table d'en face. Le serveur avait des cernes effrayants. Il devait être onze heures du matin, c'était la deuxième bière, et je lisais les lettres de Stéphane Mallarmé.

Je suis à la recherche d'un ouvrage introuvable, ça s'appelle Le jour où l'espace a coupé le temps. Ca date de 1995, c'est d'un certain Alain Manier, c'est de la psycho pure et dure, mais je ne trouve pas, ou alors mes fournisseurs classiques (Bibliothèques municipales et universitaires, Amazon, La Fnac, etc.) ne me garantissent pas de le trouver. Comment faire pour dénicher un bouquin réputé introuvable? Quelqu'un a-t-il des pistes?

Relu Sur le rêve de Freud. L'essai de Braunstein m'est encore tombé des mains, mais je ne désespère pas.

Je pense relire un livre de ce grand dadais de Bobin, Geais, que j'ai trouvé assez chouette à l'époque. Je crois que ça calmera mes petits nerfs.

Commandé aussi une biographie récente de la fille de Joyce, par une nana dont j'ai oublié le nom. Nul doute que j'en parlerai, bientôt. Le "cas" Lucia Joyce est assez fascinant. Bref...

De fil en aiguille, je me dis que ce serait sympa de relire le journal de Nijinski.

Viens de relire L'Immaculé Conception, de Breton et Eluard.


On retiendra de cet ouvrage, avant d'aller se coucher, la phrase suivante, et on la répétera en boucle : "Je suis en liberté, ce qui m'étonne de la part du tonnerre et de la médecine des simples."

Citation :

Je pense relire un livre de ce grand dadais de Bobin, Geais, que j'ai trouvé assez chouette à l'époque. Je crois que ça calmera mes petits nerfs.

Qu'entends-tu par "ce grand dadais de Bobin" ?
J'aime beaucoup Christian Bobin. La plus que vive, Geai, La femme à venir...

Disons que dans ma bouche "grand dadais", c'est presque un terme affectif (du genre j'taime bien p'tit con). Je ne pensais pas attenter à l'intégrité intellectuelle et poétique de Monsieur Bobin, bien que, j'en conviens, mon expression puisse choquer. Grand dadais est un chouia condescendant, je m'en excuse. Il y a du reste chez Bobin une force naïve (d'où "dadais"), mais c'est une force noble chez lui. Quitte à choquer pour de vrai (j'ai un peu la tête en vrac aujourd'hui, trop fêté hier, mais ça n'excuse rien, bref...), j'ai envie de dire que ses bouquins me font penser à ces pubs pour le jambon Herta où tu vois un gamin avec un bout de bois (le gamin, genre MacGyver en puissance, construit un super petit bateau, un moulin...) et qui s'amuse de ce petit rien. Voilà, mais en fait je suis trop bête et trop méchant et de trop sale humeur (trop fêté, tête en vrac, etc) pour seulement relire les beaux livres tout pleins de fraîcheur de Bobin.

(Vous aussi vous l'avez dans la tête la musique de la pub maintenant, hein? Du coup j'vas me manger une p'tite saucisse moâ.)

Dans Ressusciter , si je me souviens bien, Bobin compare la poésie de Rimbaud à une cascade de diamants. Il a quelques belles tournures, c'est clair. Et ça rachète un peu son côté Herta-plaisir-des-choses-simples.

Bref, ce qu'il me faut maintenant, c'est 1) un truc pour ma tête (et pas un chapeau, j'en ai déjà un merci), et 2) un livre au cynisme bien crapuleux.

Et puis t'en fais pas Christian, Gunthar il t'aime, va, il ne te hait point!

Merci pour ta réponse

Citation :

2) un livre au cynisme bien crapuleux.

Là c'est sûr que ce n'est pas le moment de relire Geai !

A défaut de cynisme, j'ai lu - ou plutôt je me suis abasourdi en lisant Encore de Lacan. Idéal pour les geules de bois, Lacan. Sinon, je vais me mettre à Apologie de la paresse, de monsieur Clément Pansaers (cf. supra).

"La vérité voltige
et allume dans le gazon
des flammes phosporescentes..."

C. Pansaers.

J'ai mis mon gros nez dans De l'Intelligence, par Hypolite Taine. C'est suprêment bavard comme ouvrage. Mais très éclairant sur des notions comme la perception, l'illusion et l'hallucination.

Mis la main sur Tous ceux qui tombent, pièce radiophonique de Beckett.

Apologie de la paresse est un beau livre. Plus lisible que les deux autres Pansaers dont j'ai déjà parlé.