Pierre Reverdy

J'aimerais parler ici d'un poète que je juge très important. Il s'agit de Pierre Reverdy. Contemporain d'Apollinaire et de Max Jacob, il fut un précurseur du surréalisme (André Breton fait même son éloge dans le Premier Manifeste). Voilà pour situer un peu le monsieur.

Sa poésie est toute de retenue et de magie. Cet homme vous fait sentir le quotidien tel qu'il est. Car Reverdy semble avoir apprivoisé le réel.

PR est capable de faire un beau poème sur des choses aussi banales qu'un moulin à café, une bouteille ou une soupière. Il convient de noter ici que PR était copain avec les peintres de son temps (Braque, Picasso et autres cubistes) - il avait un oeil de peintre d'ailleurs, on s'en rend bien compte lorsqu'on lit ses poèmes en prose, qu'il nomme "carrés". Ces carrés sont comme autant d'aplats poétiques ou de tableaux, suspendus, merveilleux sur la page qui devient mur tout à coup.

Reverdy est l'auteur de phrases-choc comme:

On ne peut plus dormir
tranquille quand on a
une fois ouvert les yeux.


Dans quelques coins du grenier
j'ai trouvé des ombres vivantes
qui remuent.

Ces deux phrases se trouvent chacune au beau milieu d'une page. Toutes seules et nues, comme une évidence. Reverdy donne ainsi une incomparable force au prosaïsme, un véritable pouvoir évocateur. D'autres fois, il évoque le poète, c'est-à-dire lui-même, dans son grenier, là où la lumière pénètre à peine, là où la neige devient bleue.

Et puis le langage de Reverdy est tout sauf poétisant. Il a par exemple presque aboli la rime (ouf! il était temps...), l'idiote strophe et l'idiot alexandrin. Un prolongement de la poétique d'Apollinaire, selon moi.

Certains de ses poèmes dans leur fragile minutie pourraient même faire penser à des formes telles que le Haïku. Force et fragilité - voilà à quoi on reconnaît un poème de Reverdy.

Je ne sais pas si on l'étudie à l'école. On devrait.

Déjà que cette année au bac ils ont mis - m'a-t-on dit - Bonnefoy. Pourquoi pas Reverdy?

Oui, Reverdy. Une poésie où pas un mot ne dépasse. Une poésie où l'on ne s'épanche pas. Une poésie sobre, et combien riche!

Allez, un poème de lui, pris au hasard:


SURPRISE D'EN HAUT

Au fond du couloir les portes s'ouvriront
Une surprise attend ceux qui passent
Quelques amis vont se trouver là
Il y a une lampe qu'on n'allume pas
Et ton oeil unique qui brille

On descend l'escalier pieds nus
C'est un cambrioleur ou le dernier venu
Qu'on n'attendait plus
La lune se cache dans un seau d'eau
Un ange sur le toit joue au cerceau
La maison s'écroule

Dans le ruisseau il y a une chanson qui coule

Pas mal, ce poème, "surprise d'en haut". Il faut bien sur que l'imagination suive d'exploiter la profondeur de ce que propose le monsieur...

Je ne sais pas s'il s'agit de profondeur. Mais en tous cas, les poèmes de Reverdy ont toujours cet effet étrange sur moi : Reverdy ou comment accepter le réel et, peut-être, le transcender.

Le geste poétique de PR est trop rare et trop efficace pour que l'on passe à côté. Déniche-toi Plupart du Temps, Le Gritche, et alors tu verras.

je m'étais acheté un livre de Reverdy, Sable mouvant, Au soleil du plafond, La Liberté des mers suivi de Cette émotions appelée poèsie"

finallement je me suis plus donnée à sa prose,et d'ailleurs je n'ai pas hésité à , lorsque ma prof de frenchy nous a demander avec son air idiot " Qu'est ce que c'est que la poèsie ?" (cette question quand même !) à lui repliquer certains écrits de cette homme
il donne dans ce texte (Cette émotion appelée poèsie) l'idée que la poèsie est le mot dans lequel il faudrait aller chercher le sens que comportait autrefois celui de liberté
enfin bon , il me semble qu'il faut des fois mieux lire l'oeuvre que d'en voir des commentaires ...et puis une phrase, ou un poème (une phrase peut êlle etre un poème ?) une fois éxtraite de son contexte peut perdre de la valeur, et du sens, alors j'encourage vivement à le lire
je crois que ce n'est pas une personne sur laquelle on doit passé sans un regard...

L'insupportable GUNTHAR a écrit:

Il a par exemple presque aboli la rime (ouf! il était temps...), l'idiote strophe et l'idiot alexandrin.

aboli ?

rha ! Même Rimbaud est passé par les rimes, alexndrins et les strophes ...

c'est marrant quand même ... une idée de pourquoi ce changement ?
sans cesse créer de nouvelles lois, frontières peut être ?
chercher peut être des bouts des neurones ,
ne conviennet plus au mentalités ?

instabilité

no sé

"Même Rimbaud", oui. Mais c'est cependant pour aboutir à une forme moins contrainte en apparence et diablement plus libre, j'ai nommé le poème en prose.

Une bonne raison de lire Reverdy, ses images, comme dans cet extrait :

Plus loin on prend encore une autre direction
Mais toujours les mêmes reviennent
Vers la colline singulière
Où le chemin tourne en montant
Jusqu'au rocher sanglant où périt la lumière
Dans les abattoirs du couchant

in La guitare endormie, 1919. Extrait d'un poème intitulé "Bel occident".


Les abattoirs du couchant ...

Comment faire plus juste?

Ce qui caractérise Reverdy, c'est, je pense, et on le voit bien dans cet extrait, la justesse, davantage encore que la force des images. C'est peut-être ce qui le différencie d'un Max Jacob ou de ses héritiers surréalistes.

Les abattoirs du couchant ... ce trope à lui tout seul relègue le romantisme mièvre du coucher de soleil au tiroir poussiéreux des clichés. Bref, l'image renouvelle la langue, et peut-être même notre façon de penser. Maintenant, lorsque je regarde un coucher de soleil, je penserai avant tout à un boeuf que l'on abat ou que l'on égorge. Merci Pierre Reverdy, merci.

les extraits que tu nous as mis sont super et je pense que je vais m'interresser d'un peu plus pres a cet auteur.

Je serais ravi que tu t'y intéresses. Ce n'est pas un auteur réputé facile, mais il est très important. Ses poèmes sont très différents de ceux que l'on apprend d'habitude à l'école. Mais Reverdy est reconnu, a toujours été reconnu, même de son temps, comme un grand, très grand poète. Je dis ça en toute objectivité, si si. Et puis, étant donné que tu vas devoir te mettre à Bonnefoy, lire des poètes "modernes" (c'est quoi au juste la modernité?) comme PR te sera salutaire. A l'école on a tendance à nous casser les oreilles avec Apollinaire, mais il me semble que Reverdy est presqu'aussi important que lui pour la poésie du vingtième siècle, et celle de maintenant sans doute. Ce serait trop bête, je crois me répéter, de passer à côté de lui.

existe-t-il des receuils de ses poésies???

Oui, le plus gros de ses poèmes a été publié en NRF poésie.

merci de ces renseignements je vais aller me balader sur alapage et sur le net pour voir ce que je trouve