Je viens de finir
une Prière pour Owen qui est pour moi le meilleur roman d'Irving à ce jour. J'en suis à ma 4ème lecture et comme toujours l'étonnement et la surprise sont au rendez-vous.
L'histoire : Le narrateur, John Weelwright, est américain mais vit exilé au Canada depuis plus de 20 ans. Il a maintenant une quarantaine d'années et revient sur son enfance, son adolescence et sa vie de jeune adulte à Gravesend, New Hampshire. Il revient surtout sur son amitié pour un étrange garçon, son meilleur ami : Paul Owen Meany Jr.
Owen est affligé d'une voix étrange, d'une toute petite taille et de la conviction d'être l'instrument de Dieu. Ainsi c'est à cause de lui si Sagamore le chien du voisin est renversé par le camion du livreur de couches ou si la mère de John meurt "assassinée" par une balle de base-ball.
Owen connaît la date de sa propre mort, il sait aussi qu'il doit mourir en héros, et que sa voix et sa taille ont forcément une explication. Toute la vie d'Owen tend vers cette mort, toute sa vie est une manière de s'y préparer.Une Prière pour Owen parle d'amitié, d'apprentissage, de politique, de quête d'identité, de foi tout cela servi par la verve et l'humour (en un mot le grand talent) de John Irving.
Ce roman est un OVNI dans l'oeuvre d'Irving. On connaît les thèmes chers à cet auteur : les questions de paternité, les ours, l'Allemagne, la lutte (le sport)...
Ici rien de cela ! On trouve une famille matriarcale ; il n'y a pas la moindre trace d'ours (sauf une mention lors de l'escapade d'Owen et John vers la frontière du Canada, où Owen préfère partir car le camping sauvage n'est pas son fort et qu'il dit :
"Partons avant de tomber sur un ours") ; l'histoire se déroule uniquement aux Etats-Unis pour le passé et au Canada pour le présent ; les pères sont soit absents, soit inexistants soit indirects (le beau-père de John).
La critique du rôle des Etats-Unis dans la guerre du vietnam est acerbe, ainsi que celle de l'importance envahissante de la télévision dans la société occidentale.
Ce roman parle moins de religion que de foi. Il n'y a pas de prosélytisme mais juste une invitation à croire dans la possibilité d'un changement. (Sous condition d'y croire).
Enfin, sa construction en zig-zag (on avance dans l'histoire par "à-coup", comme à reculons), permet avec le jeu sur les titres de tromper notre attente. On croit savoir ce qui va arriver mais l'histoire prends une chemin déviant.
Owen est pour moi le plus beau personnage de la littérature. Je ne sais si il a vraiment existé mais en tout cas merci à John Irving de l'avoir inventé !
Owen apporte au narrateur toutes les réponses aux questions qu'il se pose. Il sait, il connaît le sens des événements ; on aimerait tous avoir un Owen à ses côtés aux moments forts de notre vie. Ainsi que le montre le narrateur quand il dit
"La seule chose gênante chez moi, c'est ce qui me manque. Il manque Owen Meany".
Le roman se termine ainsi : "
Je ne cesserai jamais de te le demander : Oh Dieu, par pitié rends-le nous !". Je me joints à cette prière pour Owen et attends avec impatience le moment ou j'ouvrirai à nouveau ce livre et tournerai la page de titre pour lire :
"Si je suis condamné à me souvenir d'un garcon à la voix déguinglée, ce n'est ni à cause de sa voix, ni parce qu'il fut l'être le plus petit que j'ai jamais connu, ni même parce qu'il fut l'instrument de la mort de ma mère. C'est à lui que je dois de croire en Dieu ; si je suis chrétien c'est grâce à Owen Meany.", grâce à ces mots et à la magie de la littérature, John Irving refera vivre Owen le temps de ma lecture.