Dante, sans doute l'un des plus grands. Il nous regarde de haut, et à juste titre. En lui sans cesse la poésie se renouvelle : les poètes qui se réclament de lui sont innombrables - Hugo, Nerval, Baudelaire, T.S. Eliot, Pound, et coetera (pour ne citer que les plus illustres).
Comme Shakespeare le fera après lui, Dante invente sa langue. C'est ce qu'un poète a de mieux à faire. Pas seulement servir de réservoir d'images, mais carrément inventer une manière de dire, de montrer, de sentir.
Certes, ce n'est pas un auteur facile. Mais c'est chez lui que l'on trouve cette incomparable veine tout à la fois épique et mystique. Mon imaginaire est peuplé des personnages de Dante (Francesca, Sordello, Ulysse et les autres); je suis fasciné par Dante et Virgile qui font ce voyage - unique par sa force dans l'histoire de la poésie - ce voyage dans l'au-delà. Dante et Virgile sont mes Bilbo et Frodo à moi, mes figures tutélaires - ceux par qui finalement tout passe à un moment ou à un autre. Enfant, on a des amis imaginaires, moi, j'ai Dante et Virgile qui se promènent en Enfer et au Purgatoire, sans oublier Béatrice qui par la suite relaie le poète romain ...
Je pense vraiment qu'on a besoin de l'épopée. Ainsi les succès de Star Wars et de Tolkien (Harry Potter a aussi un petit coté épique, non?). Pourquoi au fond mettre Tolkien dans la Fantasy? Cet homme est peut-être un poète. Il a écrit des vers d'ailleurs, il a inventé des langues, comme Dante, comme Shakespeare, comme Joyce.
Qu'on me pardonne ce syncrétisme qui peut paraître un peu forcé, mais après tout on est dimanche aujourd'hui, c'est le jour où, dit-on sur France 2 dans la matinée, il faut être oecuménique. Il n'y a au fond ni littérature noble ni littérature vile, il n'y a que la poésie au sens large. Celle qui consiste à faire, à fabriquer, à créer, à dire des choses nouvelles avec des moyens nouveaux (et le philosophe qui invente un concept fait lui aussi acte de poésie). Comme je l'ai déjà dit, l'ennui c'est le cloisonnement des "disciplines", des genres, etc. Je lis l'annuaire* avec le même plaisir que je lis un Lucky Luke, un Spirou ou Voyage au Bout de la Nuit, avec le même plaisir aussi que que je regarde un tableau de Georges de La Tour. Aussi je ne comprends pas pourquoi j'entends encore si souvent des phrases du genre : je ne lis pas de poésie, je lis de la SF. Or il y a de la poésie dans la SF, il n'y a même que ça (je viens de remettre le nez dans 2001 de Arthur C. Clarke).
Bref, je conseille Dante à quiconque aime les oeuvres qui font voyager l'esprit. Son écriture, j'en conviens, n'est pas facile de premier abord, demande pas mal d'attention. Mais personnellement, Tolkien je trouve ça très difficile aussi pour des raisons similaires au fond. Dante et Tolkien par exemple inventent chacun une énorme galerie de personnages, et on s'y perd un peu (du moins c'est mon cas). Quant à la langue de la Comédie , elle est ardue certes, mais avec un peu de patience on arrive à démêler beaucoup de choses, et puis les images qu'utilise le Dante restent inoubliables, autant que des arbres qui marchent selon moi.
*Il y a une certaine poésie dans tous ces noms de personnes réunis sur la page, un avant-goût d'épitaphe si vous voulez mon avis.
Dim 23 Oct - 15:16:35
