Elle est venue me rendre visite, un soir. Une de ces soirée ou l’on ne quitte qu’à regret le coin du feu, assuré d’avoir froid 2 pas plus loin.
J’étais assise confortablement, au coin de ce feu qui crépitait joyeusement . Le chat, sur son coussin, à mes pieds, ronronnait bruyemant sa joie de félin qui s’imprègne de toute la chaleurr possible. Je m’étonne toujours de la manière voluptueuse qu’ont les félins de se laisser chauffer, il trouvent même l’endroit le plus confortable au dessus du sèche- linge… Croissant de chat sur coussin bleu.
Je comptais !
Le visage rejeté vers l’arrière, avec concentration, je comptais les moindres nœud sur le bois du plafond. Occupation divinement inutile, car, chaque fois, le compte était différent… Ce qui me permettais de me plonger dans des pensées beaucoup plus futiles que le nombre de nœud dans le bois au dessus de ma tête…
Quand le son aigrelet du petit carillon de la porte de devant à retenti, je me suis mise à espérer que la personne, qui que ce soit mais déjà malvenue, ne verrait pas la lumière par la fenêtre donnant sur la rue. Il était toutefois absolument impossible que le pâle halo que donne la petite lampe de chevet ne se reflète pas à l’extérieur, mais parfois, pense t’on, en y songeant si fort, il se pourrait que… Quand le
petit bruit joyeux a retentit une 2ème fois, il était sur que la lumière se voyait bel et bien et que ce n’était pas mon vœux pieux qui allait m’empêcher de devoir me lever, sentir le froid me pénétrer quand je me serais un peu éloignée des flammes, et ouvrir la porte !
La porte ouverte, moi et le chat nous sommes regardé bêtement car personne n’était debout, grelottant sur le porche comme je l’avais pensé. Je ne voyais que la nuit. Une nuit sombre, épaisse et lourde comme le goudron. Rien d’autre que la nuit. Pas de reflet de lune sur la pelouse, ni de mouvement furtif de branches au vent. Pas de nuage ni d’étoile. Juste une nuit, une nuit presque palpable.
-« Puis-je entrer ? «
Une voix, mais personne… Je perds la tête, je me dis, ou je pense trop fort ou…. C’est le chat qui cause… Mais non, le chat ne cause pas, il est là assis a coté de moi à regarder la nuit aussi stupidement que je le fais. Constellation dorées dans ces yeux de chat.
Alors, la nuit est entrée, belle et hautaine, comme une reine des glaces. Elle est passée devant moi et s’est assise dans mon fauteuil, obscurcissant feu et lampe. La nuit dans ma maison…
Installée bien à l’aise elle ronronne, comme le chat et
S’étend jusqu’au milieu du tapis. Je la vois se déployer dans le salon, déplisser ses amples vêtements d’obscurité, recouvrir mon tapis. Elle s’étire et sa présence occupe tout l’espace.
La nuit à l’intérieur de ma maison me dit alors
« prends ma place tu veux ? J’aimerais me glisser dans tes pantoufles et ronronner avec ce stupide chat,
Je reste sans voix. La nuit cause, maintenant, et pire encore, elle revendique.
« prend ma place et jette le voile sombre sur le monde, je prend ta place et je ronronne avec le chat »
« Je ne suis pas tout à fait d’accord » je lui dit « d’abord, je n’ai pas de voile et il fait froid dehors , je n’aime pas le froid et je préfere rester avec le chat »
« Je vais te donner le miens, de voile »
Un argument imparable…Elle a de la suite dans les idées, la nuit.
« Non, rien à faire, je reste ici »
La nuit supplie, elle pleure et implore, mais je reste de glace.
« Un soir sur 2 ? » elle me dit alors, à bout de ressources.
Et prise par je ne sais quel vent de folie, j’accepte.
Il y a maintenant 2 semaines que je suis nuit à mi-temps . J’ai un énorme et lourd voile nocturne et je l’étends un soir sur 2 sur la terre.
On se passe la garde, alors. Je lui tend le voile et elle me dit combien de nœud elle compte sur le plafond. Le soir suivant c’est elle qui me rend le voile et moi, le compte.
Et nous ne sommes jamais d’accord sur le nombre de nœuds…