Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même chambre.
- Oui, mon enfant, la même. Au petit jour, l'oiseau des temps dans la feuillée
Pâle comme une morte : alors les servantes se lèvent
Et l'on entend le bruit glacé et creux des seaux
A la fontaine. Ô terrible, terrible jeunesse ! Coeur vide !
Ce sera tout à fait comme dans cette vie. Il y aura
Les voix pauvres, les voix d'hiver des vieux faubourgs,
Le vitrier avec sa chanson alternée,
La grand-mère cassée qui sous le bonnet sale
Crie des noms de poissons, l'homme au tablier bleu
Qui crache dans sa main usée par le brancard
Et hurle on ne sait quoi, comme l'Ange du jugement.
[...]
Et le sentier obscur sera là, tout humide
D'un écho de cascades. Et je te parlerai
De la cité sur l'eau et du Rabbi de Bacharach
Et des nuits de Florence. Il y aura aussi
Le mur croulant et bas où somnolait l'odeur
Des vieilles, vieilles pluies, et une herbe lépreuse,
Froide et grasse secouera là ses fleurs creuses
Dans le ruisseau muet.
(premières et dernières strophes de la "symphonie de novembre", qui en compte en tout 11. Le prix nobel de littérature Czeslaw Milosz est son neveu, ou son petit neveu, je ne sais plus très bien).