Bien qu'à mon avis le format livre convienne mieux à sa lecture, le texte le plus célèbre de ce moraliste espagnol,
L'Homme de Cour, est disponible (mais incomplet) sur le site de wikipedia (merci Lasimal), à l'adresse suivante :
http://wikisource.org/wiki/L%27Homme_de_courIl existe au moins deux éditions françaises de ce livre : sous le titre de
L'Homme de cour, aux éditions Champ Libre-Ivrea, et sous le titre plus conforme à l'original de
L'Art de la Prudence, aux éditions Rivages poche (mais le texte est identique à celui publié par champ libre).
Quelques mots de présentation :
Gracian, prêtre jésuite d'origine relativement modeste, esprit brillant et cultivé du Siècle d'Or espagnol qui parvient à se faire introduire à la cour de Philippe IV, fait le constat -peu surprenant et aisément généralisable à d'autres lieux et à d'autres époques – qu'y règnent mesquinerie, hypocrisie, brutalité.
Il n'en déduit pas que les hommes doivent se détourner du monde et de ses vaines gloires pour s'abîmer dans la contemplation de la divinité, mais propose au contraire à son lecteur une sorte de manuel de self-défense pour parer et prévenir les coups – et éventuellement en donner.
Selon Gracian, le mérite, la bonté, l'humilité, sont certes des vertus, mais pas de celles qui permettent de se maintenir dans le monde, où de toute façon elles sont moquées : le fourbe passera toujours devant le vertueux, le cynique écrasera toujours l'innocent. D'où la nécessité d'être soi-même habile, de savoir « être plutôt fou avec tous, que sage tout seul », de na pas toujours dire toute la vérité, etc. Il en arrive parfois à formuler des leçons que n'aurait pas désavoué Machiavel (« Faire soi-même tout ce qui est agréable, et par autrui tout ce qui est odieux ».)
Gracian n'est pourtant pas un cynique, ni un désespéré. Mais il estime qu'il y a des règles à connaître pour réussir dans la vie (ensemble de règles réunies sous l'appellation générale de « prudence », et qui sont loin de ne concerner la réussite que sous l'angle, disons, 'professionel'), ou du moins pour mettre le maximum de chances de son côté. Un 'truc' simple mais eficace, par exemple : « Ce qui est facile se doit être entrepris comme s'il était difficile ; et ce qui est difficile comme s'il était facile ».
Le livre se présente sous la forme de maximes (300) assorties d'un bref commentaire (une demi-page en moyenne). Le style en est très baroque (longues phrases pleines de métaphores – ceux qui n'apprécient pas ce style le trouvent précieux et ampoulé). Il ne se lit pas de la première à la dernière page, mais à partir de l'index des maximes (en bas de la page sur wikipedia).
Désolé de ce long post, je l'espère pas trop doctoral, mais je crois que ce livre est une des rares oeuvres qui peuvent aider à vivre. Les Chrétiens trouvent force et consolation dans la lecture de la Bible. D'autres ne jurent que par le
Manuel d'Epitecte. J'en connais qui ont
L'Homme de Cour.