Ah, si…
Vous marchez le long de la rue, avec vos affaires de cours. Vous rentrez chez vous. Vous venez de quitter l’école. Vous venez de quitter vos amis. Vous venez de la quitter.
Vos pas résonnent avec monotonie. Un pas, puis l’autre. Un choc, puis l’autre. Un son, puis l’autre. Et vous pensez… les idées, les images s’entremêlent dans votre tête de jeune homme encore encombrée des journées de cours, de vos soucis quotidiens…. Et d’elle.
Et vous marchez, vous marchez en direction de chez vous. Et vous imaginez qu’elle va venir vous voir. Elle apparaîtrait au coin de la rue, loin derrière vous. Elle crierait votre nom, et vous demanderait de l’attendre. Vous vous retourneriez, en la regardant béatement, pendant qu’elle se hâterait de vous rejoindre. Elle vous prendrait la main, et, en vous regardant de ses beaux yeux doux, elle vous demanderait de lui faire visiter votre maison. Et là, que feriez-vous ? Que diriez-vous ?
« D’accord… mais je te préviens, tu vas entrer dans un monde qui m’appartient, un monde que tu ne connais pas… »
Vous imaginez sa réaction… elle sourirait, de son sourire qui fait tout s’envoler autour d’elle, de ce sourire qui passe les montagnes et brise les barrières. Et, elle se mettrait sur la pointe des pieds, et vous ferait un bisou sur la joue. Et vos joues seraient rouges comme un brasier. Alors, vous vous dirigeriez vers chez vous, tout en parlant. Vous l’imaginez très bien, cette scène, vous la visualisez à la perfection. Et vous vous sentez transporté, comme si cela se passait vraiment.
En arrivant devant chez vous, elle dirait que votre maison est très belle, et entrant à l’intérieur, elle accorderait de l’attention à chaque bibelot. Et une fois dans votre chambre, elle adorerait vos jeux, s’émerveillerait devant vos activités, vous ferait remarquer qu’elle a les mêmes disques que vous ! Elle vous dirait que vous êtes formidable. Vous n’y croyez pas un instant, mais vous continuez d’imaginer, la scène. Elle vous plaît beaucoup !
Alors, elle vous enlacerait, et dirait qu’elle vous aime.
Mais ça n’est pas crédible !
Oh, on s’en fiche, tant que c’est beau !
Donc, vous lui répondriez que vous l’aimez aussi. Et vous vous embrasseriez. Même si ce n’est que dans votre imagination, vous frémissez à la sensation de sentir ses lèvres sur les vôtres, de sentir sa langue vous chercher au fond de votre bouche, caressant votre palais avec douceur, de sentir vos salives s’unir. Puis, vous vous seriez assis sur une chaise, elle serait venue sur vos genoux, et s’endormirait sur vous, pendant que vous caresseriez doucereusement ses doux cheveux. Et vos l’embrasseriez sur le crâne, de temps en temps. Dieu, qu’elle est belle ! Comme vous aimeriez que ce scénario se réalise !
Elle est tout ce que vous voudriez être, tout ce que vous seriez devenu si vous aviez emprunté des voies qui vous séduisaient mais dans lesquelles vous n’avez pas osé vous engager.
Ensuite, le lendemain, de retour pour travailler, vous ne vous sépareriez plus, bras dessus, bras dessous en toute occasion, voisins à chaque cours, vous vous embrasseriez même devant vos camarades de classe. Et à l’heure du repas, point de conversation. Vous ne vous quitterez pas des yeux, sinon pour jeter un œil furtif à la nourriture, afin de ne pas en mettre partout. Plonger dans ses pupilles colorées, dans son regard suave… un frisson vous parcourt le dos. Quel délice !
« Attends ! »
Vous vous retournez. C’est elle.
« Attends-moi ! »
N’osant y croire, vous l’attendez, en sueur. Vous devenez fiévreux. Elle court vers vous. Elle vous a rejoint. Que de beauté, que de beauté !
« Tu pourrais m’emmener chez toi ? »
« Je regrette, mais c’est impossible.. »
« Pourquoi ? »
« Parce que, je suis très occupé… »
Vous remarquez son petit air contrit. Elle a l’air déçue.
« Adieu. »
Vous savez que ce soir, vos yeux ne verront plus, et vos oreilles n’entendrons plus.